Le grand-orgue de la collégiale Saint-Salvi
L’orgue de Saint-Salvi, installé sur un immense piédouche, avec cartouches sculptés,feuilles d’acanthe et entrelacs stylisés, a été réalisé en 1737 par Christophe Moucherel. Profitant de la présence à Albi du facteur lorrain, chargé de la confection des grandes orgues de la cathédrale Sainte-Cécile, le prévôt Antoine de Metge et le chapitre de la collégiale décidèrent de doter leur église d’un instrument de grande dimension, à placer au fond de la nef, destiné à remplacer un modeste orgue de chœur de 14 jeux datant du XVIIe siècle, installé alors à côté du jubé.
Moucherel utilisa pour confectionner l’orgue de Saint-Salvi le petit orgue de chœur de la collégiale, ainsi que divers éléments provenant de l’orgue de chœur de Sainte-Cécile, cédé au facteur d’orgues par le chapitre cathédral. Ce dernier instrument avait été réalisé à l’initiative de l’évêque Louis Ier d’Amboise (1474-1503). Pour son travail Moucherel reçut une rente viagère de 450 livres, supportée pour presque les deux tiers par le chapitre de la collégiale et le bas chœur, le reste, par trente quatre généreux paroissiens. L’ouvrage, commandé le 1er Janvier, fût livré à l’échéance fixée, c’est-à-dire le 10 septembre, jour de la fête de Saint Salvi.
De forme légèrement convexe, le grand buffet est constitué d’un grand faisceau central à neuf tuyaux, sommé d’une statue de la Renommée sonnant de la trompette, flanqué de quatre tourelles de même hauteur, coiffées de dômes à imbrications d’où sortent des flammèches, et de quatre plates-faces. Toutes les tourelles reposent sur des culots décorés de feuilles d’acanthes. Le positif, flanqué de deux petites plates-faces en refusé, est doté de trois tourelles couronnées de gracieux pots de fleurs. Sur les panneaux supérieurs du massif ont été accrochés, après coup, deux médaillons ovales, bordés de palmes, meublés de deux figurations
de Saint Salvi, crossé et mitré. L’ensemble du buffet a été classé monument historique en 1943.
Les orgues ont la vie longue à la condition d’être périodiquement réparées. L’orgue de Saint-Salvi échappa fort heureusement à la destruction durant la période révolutionnaire. Une fois l’église rendue au culte (1811), se posa le problème de la remise en état de l’instrument. Dès 1825, la fabrique décidait de confier cette tâche à l’organiste de la collégiale, Peiroulous, mais le décès de ce dernier retarda l’exécution des premiers travaux de restauration, finalement confiés au facteur albigeois Calvel. Un bourdon en bois pour les pédales et six nouveaux tuyaux de bois de grande taille, pour ne pas interrompre le jeu de bourdon, furent ajoutés. Le sommier des pédales fut par ailleurs modifié afin de pouvoir recevoir un jeu de bombarde à main. La réparation et l’augmentation de l’orgue s’acheva en 1828, pour un coût global de 5499 francs.
Vingt ans plus tard, malgré des nettoyages et réparations constants, une nouvelle intervention se révéla nécessaire, les jeux se trouvant en grande partie muets, et la soufflerie ne fonctionnant plus. Au cours de l’année 1849, positif et récit furent réparés pour un montant de 3150 francs. La restauration du grand-orgue n’intervint qu’en 1872, et fut l’œuvre de l’entreprise Vincent Cavaillé-Coll de Nîmes.
Entre temps, l’église Saint-Salvi avait été dotée d’un deuxième orgue, dit orgue de chœur ou d’accompagnement, doté de six jeux, confectionné par la maison Cavaillé-Coll installée rue de Vaugirard à Paris. Commandé le 15 Octobre 1864, l’instrument fut livré à Albi le 17 Février 1865, la pose étant achevée le 14 Mars de cette même année.
Désormais il y eut deux organistes. L’abbé Marty fut le premier organiste d’accompagnement, et conserva ce poste jusqu’à sa nomination comme curé de Rouffiac. Il fut remplacé par Mlle Noémie Gatimel (1871).
Le XIXe siècle s’acheva par quelques réparations mineures réalisées à la demande de l’organiste titulaire Mlle Rodière, mais dès 1901, la rédaction d’un devis des réparations à effectuer au grand orgue fut confiée à la maison Puget de Toulouse, chargée depuis 1880 de l’accordage et de l’entretien des deux instruments de la collégiale. Les travaux furent exécutés au cours de l’année 1902, pour un montant de 5800 francs, dont 3606 francs issus du legs de Mme Marie Mader.
En 1921, la paroisse s’adressa à nouveau à Théodore Puget pour installer un moteur électrique actionnant un ventilateur, devant désormais fournir l’air nécessaire au fonctionnement du grand orgue. Pareille transformation avait été réalisée quelques années auparavant à l’orgue de la cathédrale Sainte-Cécile par le même facteur (1903-1904). La reconstruction réussie de l’orgue de son illustre voisine contribua grandement à faire naître le projet d’une restauration complète des grandes orgues de Saint-Salvi, avec addition de jeux. L’idée de cette restauration revient à M. Amédée Tapié de Celeyran, qui proposait dès 1920 d’y prendre une part importante. Quatre années furent nécessaires pour arrêter le projet définitif, prévoyant une réfection complète, l’ajout de neuf jeux nouveaux, donnant à l’instrument une apparence de 60 jeux, ainsi que la mise en place de trois claviers de 56 notes chacun (grand-orgue, positif expressif et récit expressif). Les travaux entrepris le 2 Juillet 1929 étaient terminés le 6 Février 1931.
À partir de 1950, son état de fonctionnement est préoccupant. En 1971, Kurt Schwenkedel entreprend la « restauration » de l’instrument. Mais il s’agit en réalité de la destruction de l’orgue Puget et de son remplacement par un grand orgue d'esthétique néoclassique de 77 jeux répartis sur cinq claviers manuels, avec grande et petite pédale. Les travaux sont brusquement stoppés à la suite de la cessation d’activité de la maison Schwendekel. C’est à ce moment que naît le projet de retour à l’orgue du XVIIIe s. Les travaux sont confiés à Bartoloméo Formentelli, facteur d'orgues à Vérone (Italie) qui reconstruit l’instrument de Moucherel intégrant les ajouts de L'Épine, Isnard et Peyroulous de 1977 à 1981. Avec ses cinq claviers manuels, son pédalier à la française et ses 56 jeux, c’est l’instrument idéal pour exécuter le répertoire français du début du XVIIe s. jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
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